Je ne suis pas mère de famille nombreuse, et pourtant je fais souvent des (grosses) courses. En effet, j’anime chaque semaine plusieurs ateliers de cuisine, en associations, pour des team building en entreprise, dans des écoles, ou même auprès des passants et des passantes, dans la rue, et oui ! Mon challenge: que cette première étape soit le reflet de mon engagement pour une alimentation durable. Vrac, bio, de saison et le plus local possible. Montez sur votre vélo, voici mes astuces pour des courses responsables.
Le plaisir de la saisonnalité
Certains ateliers de cuisine accueillent des personnes ayant vécu une partie de leur vie dans des pays proches de la ligne de l’équateur, ou les saisons ne sont pas marquées comme en métropole. Il leur faut apprendre cette notion, surtout quand les grandes surfaces proposent toute l’année des tomates ou des fraises. On découvre alors la “frustration” de manquer de certains aliments pendant une période de l’année. Et donc, on fait appel à la meilleure créativité pour mettre en valeur la production du moment. Et ça, c’est vraiment une chance. Marier des saveurs différentes, compter sur les légumes les plus habituels et intégrer petit à petit des légumes moins évidents: fenouil, blette, chou rave, chou kale, topinambour…
J’ai été très surprise, sur l’étal d’un maraicher en qui j’avais confiance, de trouver de l’aubergine au mois de novembre. Un peu déçue, je me disais qu’il devait avoir recours à des méthodes peu durables, des serres chauffées peut être. Gardons toujours à l’esprit d’échanger directement avec nos producteurs et productrices. En effet, le monsieur à répondu à ma question très simplement: “Il a fait beau, madame”. La saison ne dépendrait donc pas tant du calendrier que de la météo !?
La prise de conscience du vrac
De nombreuses boutiques vendant exclusivement en vrac, sans emballage, ont ouvert dans la région nantaise, autour de 2018. Pour répondre à l’urgence de diminuer notre production de déchets plastiques, intoxiquant les humains autant que les animaux. Environ la moitié des boutiques a fermé, autour de 2022. Dont la plus proche de chez moi : “Le cellier d’Hélène”, à Saint Herblain. Attristée, j’ai dû pourtant me rendre à l’évidence : si une personne convaincue comme moi n’y va presque jamais, qui donc fera tourner la boutique ? C’est ce que j’entend par des courses “responsables” : ma responsabilité dans mes choix quotidien, et leur impact sur mon environnement, tant la nature que les personnes autour de moi, notamment des métiers de proximité, artisanaux, engagés et essentiels pour l’avenir.
En déménageant, je découvre la boutique de vrac de ma nouvelle commune “Chap & Graines“, et je m’engage : je commencerai toutes mes courses par là !
Une nouvelle organisation pour mes courses responsables
2 km à vélo, avec mes bocaux, dans les sacoches ou la remorque. Les premières fois, c’était toute une aventure. Puis c’est devenu une routine facile. Je prépare exactement les bocaux nécessaires en suivant la liste de courses. Un placard de la cuisine est dédié aux bocaux de différents volumes. Tous les mêmes couvercles cependant, pour intervertir facilement. Des bocaux de récup, cela va sans dire. On est parfois tentés, dans notre société de consommation, d’acheter du nouveau matériel pour faire du zéro déchet. Allons au plus simple : la plupart de nos besoins sont déjà comblés par l’existant ! Et pour rendre cela plus précieux, certains bocaux ont même été décorés par mes enfants avec des feutres spéciaux. Le bocal du cacao n’est plus seulement un emballage, mais le souvenir d’une après midi créative en famille.


L’évidence du Bio
1 km à vélo, dans l’autre sens, vers le magasin bio de ma commune. Pourquoi le Bio? Pour moi, c’est la priorité : ne pas verser sur nos aliments des éléments toxiques. Toxiques pour notre santé aussi bien que pour la biodiversité. Le cahier des charges du Bio va même beaucoup plus loin : il oeuvre à préserver les terres pour qu’elles puissent produire encore une alimentation de qualité pour les prochaines générations. Il défend une meilleure rémunération des personnes qui produisent notre alimentation, pour améliorer leurs conditions de vie et donner envie à la prochaine génération d’assurer la relève. Et une considération pour la condition animale bien meilleure qu’en élevage conventionnel. Plein de réponses aux questions et idées reçues sur le Bio et les labels ici.
La différence de prix est importante, l’accès au Bio n’est pas un choix possible pour certaines familles. Pour mes courses en conscience et responsables, c’est un engagement non négociable, pour mes ateliers comme dans mes repas de tous les jours. Quelques exceptions, la cacahuète (qui rancit vite en Bio), ou les aliments que je n’ai trouvé ni au vrac, ni au magasin Bio. Une chance pour moi, un hypermarché jouxte la boutique Bio. Je complète ainsi les manquants éventuels.
Le local, pas si facile !
La mode est au local. Nous entendons régulièrement ce mot, au restaurant, à la cantine scolaire, en supermarché et bien sûr dans mes ateliers. Cependant, les courses en vrac m’ont permis de réaliser que ce n’est pas si simple. En effet, l’origine des produits étant bien mise en valeur, je prends mieux conscience des nombreux aliments de notre quotidien qui sont, évidemment, importés: emmental (Allemagne ou, au mieux, Savoie), pâtes (Italie), amandes (Italie), riz : existe bien sûr de Camargue, mais la plupart de celui que nous consommons vient d’Italie, quand ce n’est pas de Chine. La volaille élevée localement peut être nourrie quotidiennement de soja provenant d’Amérique du Sud sans que nous le sachions.
Quand on commence à relocaliser son alimentation, on se questionne. Des courses responsables impliquent elles de renoncer au parmesan? Aux bananes? Au chocolat? Je n’ai pas tranché. Pour certains aliments, c’est très facile: la tomme de la ferme d’à côté remplace aussi bien l’emmental au goût léger, que le comté un peu plus marqué. La boutique de vrac recherche les productions les plus locales possibles. On entretient la filière, on offre des débouchées aux personnes qui travaillent la terre, ou l’artisanat, au plus proche (commune, département, région, puis à l’échelle du pays pour certains produits).
Je n’achète désormais “de loin” que les aliments dont nous n’avons pas d’option locale. C’est aussi l’opportunité d’échanger avec des territoires, des savoir faire, des personnes qui vivent de l’exportation de leurs richesses. Café, chocolat, banane, sucre : on peut choisir une filière bio équitable pour permettre un niveau de vie correct et une culture non polluante. Je ne cuisine presque plus certains aliments, dont je m’inquiète de l’impact environnemental : avocats gros demandeurs d’eau, ananas acheminés par avion.
Pourquoi je ne reviendrai pas en arrière
La simplicité et le gain de temps du drive me fait il envie? Pas du tout. J’apprécie profondément ces choix, cette immersion dans mes courses. Même si cela représente un temps et une charge de travail conséquents. La matière première, à partir de laquelle les personnes présentes à mes ateliers vont élargir leurs habitudes culinaires, c’est la base. Et cette proximité avec les personnes qui me fournissent me plait et nourrit encore mon sentiment de responsabilité dans mes choix d’approvisionnement. Je visualise de mieux en mieux ce que signifie le circuit court, quand je croise la productrice de confiture de la commune en livraison de la boutique de vrac, dans ses seaux réutilisables. J’ai envie de valoriser et soutenir un tel projet de société. Sans compter la joie de voir le peu de déchets d’emballage que génère mes nombreux ateliers. Petite victoire personnelle !
Chaque trajet de courses me permet de faire 6 km à vélo, répétés 2 à 3 fois par semaine. C’est l’opportunité de prendre soin de ma vitalité ! Et ces visites régulières aux magasins du coin permettent de créer et d’enrichir un tissu humain de grande valeur à mes yeux. Des infos utiles, des rires, de la motivation. Merci à elles et eux pour leur investissement et leur travail généreux.
